Au-delà de la sirène et des gyrophares : les héros de tous les jours

En Nouvelle-Écosse, plus de 1 100 membres du personnel paramédical consacrent leur vie à servir la population. Pour mieux comprendre la réalité du quotidien aux premières lignes des soins de santé, nous sommes allés voir ce qui se passe en coulisses et avons capturé les expériences de premiers répondants – en images et dans leurs propres mots.

Une soirée d’été

Au cœur de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, Krista Veinot, superviseure des Opérations d’EHS, prend un moment à l’extérieur de son unité d’intervention paramédicale d’urgence en soins de base et en soins avancés (SPEAR) pour vapoter, consulter son téléphone cellulaire et prendre quelques gorgées de café dans sa tasse de la taille d’un petit baril. Il est peu après 18 h et, bien que cette soirée d’août semble calme, les météorologues ont émis un avertissement d’orages violents et de pluie diluvienne pour plus tard dans la nuit.

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« J’adore travailler la nuit », affirme Krista. Tout est tranquille, les rues sont quasi désertes et on peut se rattraper dans sa paperasse. Par contre, dans le domaine des services d’urgence, les quarts de nuit comportent un défi supplémentaire : il y a souvent moins d’unités ambulancières en service que prévu, une lacune bien connue du système. Celles qui sont en service, réparties dans toute la province, sont représentées par des points sur une carte dont la couleur précise leur état et leur disponibilité.

Bien que ce soit le premier quart de nuit après une longue fin de semaine, la liste d’appels d’urgence en attente est étrangement courte. « D’habitude, quand on commence un quart de nuit, il y a énormément d’appels en attente, déclare Krista. C’est une nuit étrange. Je croyais qu’on serait beaucoup plus occupés après une longue fin de semaine. »

On entend plusieurs versions de ce constat durant la nuit, mais il est formulé de façon prudente, comme si on anticipait un regain d’activité soudain. Dans le milieu des soins médicaux d’urgence, les travailleuses et travailleurs paramédicaux évitent généralement de dire que « c’est tranquille », par superstition.

« On doit aller à l’hôpital général. Il y a quelques équipes de jour qui y sont encore coincées », explique Krista. Elle fait référence à l’hôpital général de Dartmouth, qui soigne les quelque 120 000 résidents et résidentes de la région. Krista ajoute que les retards de déchargement ne sont pas trop importants ce soir : il n’y a que cinq ambulances en attente.

Suivre sa vocation

En chemin, Krista nous explique pourquoi elle a choisi une carrière en soins paramédicaux. Durant son adolescence, elle se considérait comme compétitive et se voyait comme un garçon manqué. Cette profession l’attirait parce qu’elle ne connaissait personne qui l’exerçait. Elle a envisagé de devenir avocate, mais elle ne se voyait pas rester assise à un bureau toute la journée.


« J’ai quitté l’université et me suis inscrite au programme de formation. »

En 1998, la formation en soins paramédicaux durait neuf mois et les livres coûtaient 1 500 $. Elle travaille dans le secteur depuis.

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Gérer les retards

À l’écran de l’ordinateur de Krista, on peut voir depuis combien de temps les ambulances sont en attente :


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Ces retards de déchargement ont lieu lorsqu’aucun lit n’est libre pour une patiente ou un patient arrivé en ambulance. Dans ces situations, les travailleurs paramédicaux qui ont transporté le patient doivent attendre avec lui dans le corridor jusqu’à ce qu’on puisse leur confirmer qu’un lit se libérera dans cet hôpital ou un autre.

« Cette attente dans le corridor peut nuire à leur état », précise Krista. En plus d’empêcher les ambulances de répondre aux autres appels d’urgence dans la région, les retards de déchargement obligent les patients à attendre encore plus longtemps avant d’accéder aux soins dont ils ont besoin.

Des mesures ont été prises pour résoudre certains des enjeux entourant les retards de déchargement. Par exemple, pour améliorer le transfert de patients entre les hôpitaux, on a mis en place des politiques pour éviter qu’une ambulance quitte un hôpital sans avoir confirmé qu’un lit est libre à l’autre hôpital.


Garder le sourire et la santé

Krista discute avec l’infirmière responsable à l’hôpital général de Dartmouth dans l’espoir d’accélérer le transfert des patients et de libérer ses équipes. Au poste du personnel infirmier, une affiche indique « Stay happy and safe » pour rappeler aux gens de garder le sourire et la santé.

Un autre avertissement météorologique est émis.

Dans le corridor, un travailleur paramédical dépose son téléphone et laisse tomber la tête sur le dossier de sa chaise, visiblement frustré. La fatigue que causent les retards de déchargement se fait sentir. En étant contraints de se concentrer sur un seul patient sans toutefois pouvoir lui prodiguer directement les soins dont il a besoin, ces travailleurs se retrouvent dans une zone grise qui peut être éreintante. Après s’être précipités au chevet du malade, ils sont subitement forcés de patienter.

Durant ses journées de travail, Krista doit faire face à toutes sortes de situations. Par exemple, pendant la soirée, elle manque de Tylenol et doit se rendre au centre de flotte – où on fait l’entretien des véhicules d’urgence – pour se réapprovisionner dans les fournitures des ambulances en attente de réparations. Plus tard, on découvre un problème technique dans l’un des véhicules, et elle envoie donc un travailleur en attente à l’hôpital pour le résoudre. Peu après, la partenaire de ce travailleur téléphone à Krista pour lui dire que leur patient a été transféré et qu’ils sont maintenant libres de répondre au prochain appel, mais son partenaire est toujours en train de régler le problème technique.

« Bien entendu », soupire Krista.

Après sa visite à l’hôpital général de Dartmouth, Krista se rend à l’hôpital QEII pour répéter le processus. Dans la salle du personnel paramédical, ses collègues travaillent et discutent. Quand un appel entre, tout le monde penche inconsciemment la tête vers sa radio pour écouter la conversation. Si l’appel ne les concerne pas, ils poursuivent leur conversation comme si de rien n’était.

« Je ne pense pas qu’ils se rendent compte qu’ils le font », remarque Krista.


Décompresser

À notre arrivée, Thomas Whiteman, un travailleur paramédical en soins primaires qui célébrera bientôt son premier anniversaire professionnel, discute tranquillement avec ses collègues. Il en profite pour nous dire comment il se détend après un quart de travail.

« C’est très important d’établir une routine pour indiquer à notre corps que c’est le temps de se reposer. Cette routine peut être toute simple : rentrer chez soi, prendre une douche, boire une tisane… Il faut préparer notre corps pour le repos et éviter d’aller se coucher immédiatement si quelque chose nous préoccupe. Dans ces cas, c’est préférable d’appeler quelqu’un et d’en parler », souligne-t-il.

La divergence entre la vie des travailleurs paramédicaux et la vie des civils ressort parfois dans les conversations de tous les jours.

« Pour les personnes qui ne travaillent pas en soins paramédicaux, leur journée a peut-être été difficile parce qu’elles ont dû dire “non” à un collègue. Pour nous, elle peut avoir été difficile parce qu’on a perdu un patient, ajoute Thomas. Si les événements d’une journée m’ont troublé et que je ramène ce stress à la maison, je dois en être conscient. Quand j’ai du mal à gérer quelque chose, j’en parle à mes collègues de ma section. Il faut trouver des personnes sur qui compter, sinon on risque de perdre le nord », conclut-il.

À les écouter parler, il est évident que même s’ils sont fatigués, ils partagent un bel esprit de camaraderie. On se sert une part de gâteau avant de rentrer chez soi. On se donne des surnoms et se remémore des appels marquants. Leur dévouement pour leur travail est palpable, et chaque membre de l’équipe, quel que soit son rôle, aimerait pouvoir en faire plus et être partout à la fois.

Pendant que nous retournons au poste, nous entendons une sirène au loin. Krista examine la liste des appels en cours. Quand elle trouve l’ambulance en question, elle annonce : « C’est un appel pour un AVC. La personne est sur le pont. »

Elle fait un zoom arrière sur la carte. Il faudrait faire plus de deux heures et demie de route pour traverser la région de la Nouvelle-Écosse qui s’affiche à l’écran. La carte est parsemée de points rouges et noirs, qui représentent les ambulances en attente à l’hôpital et les unités en cours d’intervention, ainsi que de points verts, qui correspondent à celles qui attendent leur prochain déploiement.

Peu après, l’orage commence.


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